


La Directrice Quartes acquiesce d’un rapide hochement de tête, mais manifestement, Bob ne voit pas les choses ainsi.
« Désolé Mme la Directrice, mais il n'est pas question que je sois écarté de la causerie sur une mission où je suis en charge ! Et mes agents sont en droit de rester ici, comme le stipule l’article 75… »
Après de longues minutes d'intimidations et de rappels réglementaires que balaie énergiquement un Bob très remonté ; le gradé du S.S.U. finit par se résigner et reprend son propos :
« Bref... Il y a donc eu des irrégularités : des transferts en parallèle de la mission, des réceptacles non déclarés à la DTT et donc non autorisés… »
Quartes se tourne vers votre instructeur : « Vous avez une explication Calavicci ? »
Au sein du gigantesque complexe orbital, le "nid" constitue le véritable centre de ce que l'on appelle l'Agence ; son cœur. L'endroit est inaccessible sans des accréditations délivrées au compte-goutte. C'est ici que l'on trouve les "couveuses" et leurs fameux caissons, les salles de contrôle des transferts, les bureaux de la DTT, les salles de briefing et de débriefing, mais surtout les douches. Chez les agents, tout le monde sait que Bob ne plaisante pas avec ça : avant un débrief', on file à la douche !
Aussitôt secs, les agents sautent dans leurs joggings signés T.I.M.E et se dirigent, au trot, vers la salle de réunion. C'est un rituel. Mais aujourd'hui, dans le couloir, un attroupement vous bloque l'accès. Une douzaine d'hommes, aux uniformes sombres, manifestement militaires, manœuvrent un chariot où trône un lourd caisson de verre épais. Intrigués, vous observez les traces de gelée verdâtre sur les vitres. Dans le conteneur, un cristal luminescent flotte en apesanteur. Vous n’avez aucun doute, c'est la pierre ramenée de l'Andalousie du 15e siècle !
L'un des soldats se tourne alors vers votre groupe de curieux et vous chasse d'un geste de la main : « Restez pas là ! Quittez la zone ! » Sur sa casquette noire, le sigle du Consortium côtoie l'acronyme S.S.U… Votre petite troupe recule sans grand enthousiasme, leur laissant le champ libre pour manœuvrer et sortir leur chargement. Sauf que des cris ne tardent pas à retentir. Dans la salle de débriefing, ça grogne, ça proteste, et l'un des types en uniforme finit par atterrir dans le couloir : sur les fesses !
« Je vous demande de garder votre calme. Nous sommes parfaitement assermentés pour agir et dans ce cadre précis, c'est moi qui commande ! » affirme-t-il tout en tapotant l'écusson sur son épaule pour appuyer ses propos.
« Et en quel honneur ? » grommelle Bob, toujours maintenu par deux gaillards.
« Au motif que la sécurité est compromise » lui rétorque le gradé.
« Et personne ne me consulte ? » lance la Directrice Quartes qui arrive à grandes enjambées, suivi par quelques-uns de ses collaborateurs. La dame n'est pas très expressive, mais suffisamment pour que l'on devine qu'elle fulmine.
« Madame la Directrice, je suis mandaté pour mettre le cristal en sécurité tant que l'alerte n'est pas levée », annonce l'officier.
« Quelle alerte ? » interroge-t-elle en écarquillant ses grands yeux sous la visière du képi du Commandant de la S.S.U. : On peut me dire ce qu'il se passe ? »
« Il y a eu plusieurs irrégularités, Madame… » L’homme interrompt soudainement sa phrase à la vue d’un auditoire composé principalement de recrues. « Pourrions-nous continuer cette discussion ailleurs ? »
Vous jouez tous des coudes pour voir ce qui se passe derrière les hommes en noir. Pas de doute. Vous reconnaîtriez cette voix entre mille : c'est celle de Bob et son langage fleuri qui résonne. Il est clair que son échange avec les gars du S.S.U. a tourné court et qu'il vient d'en projeter un au sol, plutôt violemment.
« Vous n’embarquez rien du tout sans m'en référer. Et tu me causes meilleur !!!! » hurle votre instructeur. Deux militaires ne sont pas de trop pour le ceinturer pendant que leur collègue se relève. Un officier se dresse alors devant l’instructeur. C'est un grand type longiligne, un peu voûté. Il porte un képi sombre sur des cheveux gris très courts. Il refroidit tout le monde en balayant la scène de ses yeux scrutateurs.
Un bruit de porte vous ramène soudain à la réalité. Vous êtes devant les douches, passage obligatoire après chaque mission et avant tout débriefing. Votre groupe est là, et d’un regard, vous comprenez que vous avez tous eu la même vision.

« Mouais », ronchonne Bob. "OK, il y a bien eu des transferts supplémentaires et non anticipés. On ne peut pas tout prévoir. Les ratios annoncés par Laura se dégradaient de minute en minute et on a perdu la liaison avec les agents. Nous avons dû leur faire parvenir des convecteurs sur place, en urgence...
Ou alors vous avez été manipulés par des Syaans » l'interrompt l'officier. « C'est bien commode des transferts sans supervision.
Oh, je vous en prie ; comme si on avait le temps de remplir la liasse BG-7276-Y alors que l'on risque de devoir sortir des légumes décérébrés des caissons d'un instant à l'autre !
Ce ne sont pas les seules irrégularités » tranche l'officier de la S.S.U. ! « Les enregistrements ont également été interrompus pendant le transfert. Nous pensons que des individus avec des agendas différents des nôtres auraient pu interférer avec la mission.
Commandant Sand, le maître instructeur Bob vous donnera probablement tous les gages de sa probité » tempère le professeur Ronn qui s'est montré discret jusqu'à présent. Le vieil homme élégant imprime un hypnotique mouvement de vagues à ses longues mains et continue : « Je suis certain qu'il y a une explication rationnelle. En attendant, il aurait été plus simple et plus courtois de ne pas agir en passant outre le Directoire. Nous avons les mêmes objectifs, sachez-le et la sécurité est une préoccupation pour nous, comme pour vous.
Certainement Professeur » admet le Commandant. Toutefois, le protocole mis en place par le Consortium m'oblige à placer les personnels de cette mission en quarantaine, le temps que soit réalisée une enquête de clarification. Chacun sera isolé et interrogé individuellement.
Ah tiens ! Et mes droits, je m'assois dessus ? » s'indigne Bob.
« Je reconnais que la loi terrestre vous accorde des droits, officier Calavicci. Mais ici, dans la Galaxie du Sculpteur, c'est la loi du Consortium qui prévaut » ironise Sand en réajustant son képi et en ordonnant aux soldats du S.S.U. de vous encercler…